Salon 2011 du «Cercle artistique de Luxembourg»

Avec 40 artistes et près de 85 oeuvres, le salon 2011 du Cercle artistique de Luxembourg est accueilli pour la quatrième année consécutive aux CarréRotondes. Le lieu, avec son atmosphère particulière d'ancien site industriel, ses espaces aérés, ses possibilités d'accrochage multiples, a largement contribué à redynamiser le Salon qui tendait à ronronner au Grand Théâtre ou sous les moulures de la Villa Vauban avant sa restauration.

En effet, de jeunes artistes ont, depuis lors, rejoint le cénacle des participants et de grands noms, valeurs sûres en ces temps de morosité, n'ont plus hésité à présenter leurs travaux. Bien que nous retrouvions, cette année, les artistes fidèles et traditionnellement acceptés par le jury pour la qualité de leurs créations, comme Rafael Springer, Dani Neumman, Anna Recker, Isabelle Lutz, Karine Kraus, Iva Mrazkova, Malou Faber-Hilbert, le nombre d'œuvres montrées est plus modeste que lors des précédentes éditions, le jury n'ayant choisi, dans certains cas, qu'une seule œuvre par artiste. Et à Jean Petit, le président du Cercle artistique de Luxembourg, de remarquer que «le fait qu'il y ait moins d'œuvres a aussi son côté positif car cela a permis une présentation beaucoup plus fluide de caractère muséal». Nonobstant, le président regrette la carence en «œuvres plastiques». Il est vrai, qu'hormis la superbe et insolente sculpture en céramique de Catherine Lorent représentant le «Léviathan» impudiquement ithyphallique qui nous démontre une fois de plus l'attachement de l'artiste aux mythes et aux légendes, ainsi que «Table de jeu», le travail ludique d'Iva Mrazkova constitué par un ensemble de trois édicules réalisés à partir d'ossatures de jouets en kit pour enfants ou bien encore les empilements d'ardoise ardennaise à l'accent minimaliste d'Anne-Marie Klenes, la tridimensionnalité fait véritablement défaut dans ce salon 2011.

La peinture est donc une fois de plus largement représentée. C'est cette discipline qu'a choisi Doris Drescher pour sa première contribution au salon. Celle dont nous retenons la participation remarquée en 2001 à la Biennale de Venise avec «Casa Mia», présente deux toiles dont «Lucy in the sky», une délicate composition d'un beau rose poudré qui nous démontre le talent de l'artiste à nimber sa peinture d'atmosphère intimiste. Evocation de la chanson des Beatles ou du petit hominidé, quoiqu'il en soit, cette œuvre est caractéristique de l'univers de Doris Drescher fait de fragments, de souvenirs et d'êtres.

Délicieusement «vintage»
Autre nouvelle participante, Chantal Maquet, jeune artiste luxembourgeoise née en 1982 qui nous transporte dans une ambiance délicieusement «vintage» avec ses trois toiles qui pourraient être les portraits de nos grands-mères dans leur vie quotidienne des années 50. Il y a dans ces tranches de vie une sidérante esthétique qui nous évoque Edward Hopper. Retenons également les papiers japonais marouflés sur toile d'André Haegen. L'artiste y a laissé libre cours, en aquarelle, à un geste scriptural automatique. Le rendu est aussi épuré que sur un makemono et l'artiste y insuffle toujours une note poétique digne de ses auteurs surréalistes préférés. Germaine Hoffmann nous interpelle également. Elle qui a une prédilection pour la récupération d'objets et de documents porteurs de sens et d'histoire, a jeté son dévolu sur un vieil ouvrage sur l'antiquité dont elle a constellé l'intérieur de panneaux présentés en paravent. Ainsi, les ailes tutélaires du diptyque protègent la connaissance des outrages du temps.

Certains artistes usent à bon escient de la pratique artistique comme vecteur de la dénonciation de la consommation, de la surconsommation et de leurs dérives. C'est le cas du binôme formé par Véronique Kolber et Jean-Claude Salvi. Leur installation intitulée «Meat me» ne manquera pas d'interloquer et même de dégouter les visiteurs. En effet, l'idée de départ de ce travail vient d'un courriel reçu par Jean-Claude Salvi exposant les dangers d'une colle à viande utilisée dans l'industrie agro-alimentaire, le glutaminate activa EB. Cet agglomérant permet de ressouder entre eux des morceaux de viande de diverses qualités afin de recréer des pièces bien ragoutantes et appétissantes comme une entrecôte ou un tournedos sans que le consommateur s'en rende compte. L'union européenne a émis un avis défavorable sur cette colle. Interdite dans certains pays, elle est encore utilisée en Allemagne où l'artiste l'a commandé afin de réaliser son autoportrait moulé en viande de bœuf reconstituée. Photographié par Véronique Kolber, ce buste de viande cru a l'esthétique d'un bel écorché de planche d'anatomie. Les clichés nous mettent face aux aberrations de l'industrie agro-alimentaire car qui nous dit qu'un jour, d'autres combinaisons préjudiciables à notre portefeuille comme à notre santé ne seront pas tentés afin de redonner un aspect convenable à la viande? Quant à l'autoportrait carné de Jean-Claude Salvi, il va trôner, le temps du salon, dans un congélateur à porte vitrée afin d'être admiré comme un symbole d'une forme de surconsommation. (Nathalie Becker )

Jusqu'au 4 décembre. Carrérotondes. Ouvert tous les jours de 14 à 19 h. Les jeudis jusqu'à 20h30. Visites guidées les jeudis à 18h30 et dimanches à 16h.