«Un Garçon impossible» de Petter S. Rosenlund métamorphose un paisible feuilleton kitsch en un terrible cataclysme familial. Son humour noir trouve un écho dans la mise en scène de Myriam Muller et Jules Werner.
Les consultations vont bientôt commencer. Henrik – Jules Werner –, le sémillant médecin au sourire étincelant, fait son entrée, sûr de lui, chevalier de la médecine qui sauve. Cécilie, son infirmière – Naïma Ostrowski – , dont la marche n’est que houle de hanches et dont tout dit le dévouement efficace, le rejoint. Musique et soleil des projecteurs. Mais bien vite, leur sempiternelle conversation reprend: «Dis-moi que tu m’aimes», insiste-t-elle ; «Tu sais que je suis marié», lui répond-il. Et le téléphone de sonner, et lui de répondre: «Oui, mon minou… » Sa femme!
Nous ne sommes plus au théâtre, nous sommes dans le salon ou la cuisine d’une de ces « ménagères de moins de cinquante ans » fascinées, all over the world, jour après jour, par ces soap-operas, ces feuilletons qui, entre deux tunnels de publicités, développent en d’éternels épisodes leurs intrigues sentimentales perpétuellement rebondissantes. Quoique! Les premiers patients entrent : une mère et son fils de huit ans. Et tout bascule dans le délire: le grand-père est-il mort ou non ? Henrik est-il le père de cet enfant-là ? Quelles relations le grand-père entretient-il avec sa fille et son petit-fils ? Celui-ci pourra-t-il épouser l’infirmière ? Mais pourquoi soudain ce couteau entre les mains de l’enfant ?
Le conte de fées cathodique devient un film d’horreur
Petter S. Rosenlund transforme le conte de fées cathodique en film d’horreur où cauchemars, révélations terribles et ponctuations sanguinolentes s’accumulent. Du sang partout, des morts partout…
Myriam Muller et Jules Werner se sont donc faits les metteurs en scène de ce scénario déjanté. Ils installent le spectateur dans l’illusion naturaliste (un décor de Jeany Kratochwil) typique de pareil feuilleton. Mais immédiatement, comme l’auteur, ils le pervertissent: Jim, le petit garçon de huit ans, a les traits longilignes de Sébastien Schmit et mesure donc près de deux mètres ; le grand-père – Guy Vouillot – a la moustache, le costume et le collier d’or qui en font un candidat idéal à tous les contrôles d’identité pour Roms en voie d’être reconduits aux frontières ; la maman – Caty Baccega – apparaît d’abord sous les traits d’une mère-furie avant de révéler une tragique condition qui n’altère en rien sa virulence.
Et tout y passe – terrible catalogue exhaustif – de ce qui fait les turpitudes quotidiennes, familiales, sentimentales de nos merveilleuses sociétés occidentales en bout de développement. L’humour noir triomphe dans ce concentré de négations de notre bel humanisme. Et l’on rit, d’autant que la mise en scène, en ce soir de première, ne manque déjà pas de rythme et que les comédiens «jouent» leurs rôles comme il convient.
Le propos de Rosenlund est riche en évocations ; il s’en contente – malgré une ultime interpellation-prise de conscience du public par l’enfant, que l’auteur ou la mise en scène ne réussissent pas à mettre en réelle évidence – , mais c’est sans doute ainsi, et sans plus, comme une bande dessinée à la Reiser, à la Charlie Hebdo, qu’il convient d’accueillir cette proposition qui fait de la face noire de nos jours une farce noire. (par Stéphane Gilbart )
Représentations au Théâtre des Capucins les 11, 14, 15 et 16 décembre à 20h00. Réservations au 47 08 95 1 ou sur ticketlu@pt.lu
Les consultations vont bientôt commencer. Henrik – Jules Werner –, le sémillant médecin au sourire étincelant, fait son entrée, sûr de lui, chevalier de la médecine qui sauve. Cécilie, son infirmière – Naïma Ostrowski – , dont la marche n’est que houle de hanches et dont tout dit le dévouement efficace, le rejoint. Musique et soleil des projecteurs. Mais bien vite, leur sempiternelle conversation reprend: «Dis-moi que tu m’aimes», insiste-t-elle ; «Tu sais que je suis marié», lui répond-il. Et le téléphone de sonner, et lui de répondre: «Oui, mon minou… » Sa femme!
Nous ne sommes plus au théâtre, nous sommes dans le salon ou la cuisine d’une de ces « ménagères de moins de cinquante ans » fascinées, all over the world, jour après jour, par ces soap-operas, ces feuilletons qui, entre deux tunnels de publicités, développent en d’éternels épisodes leurs intrigues sentimentales perpétuellement rebondissantes. Quoique! Les premiers patients entrent : une mère et son fils de huit ans. Et tout bascule dans le délire: le grand-père est-il mort ou non ? Henrik est-il le père de cet enfant-là ? Quelles relations le grand-père entretient-il avec sa fille et son petit-fils ? Celui-ci pourra-t-il épouser l’infirmière ? Mais pourquoi soudain ce couteau entre les mains de l’enfant ?
Le conte de fées cathodique devient un film d’horreur
Petter S. Rosenlund transforme le conte de fées cathodique en film d’horreur où cauchemars, révélations terribles et ponctuations sanguinolentes s’accumulent. Du sang partout, des morts partout…
Myriam Muller et Jules Werner se sont donc faits les metteurs en scène de ce scénario déjanté. Ils installent le spectateur dans l’illusion naturaliste (un décor de Jeany Kratochwil) typique de pareil feuilleton. Mais immédiatement, comme l’auteur, ils le pervertissent: Jim, le petit garçon de huit ans, a les traits longilignes de Sébastien Schmit et mesure donc près de deux mètres ; le grand-père – Guy Vouillot – a la moustache, le costume et le collier d’or qui en font un candidat idéal à tous les contrôles d’identité pour Roms en voie d’être reconduits aux frontières ; la maman – Caty Baccega – apparaît d’abord sous les traits d’une mère-furie avant de révéler une tragique condition qui n’altère en rien sa virulence.
Et tout y passe – terrible catalogue exhaustif – de ce qui fait les turpitudes quotidiennes, familiales, sentimentales de nos merveilleuses sociétés occidentales en bout de développement. L’humour noir triomphe dans ce concentré de négations de notre bel humanisme. Et l’on rit, d’autant que la mise en scène, en ce soir de première, ne manque déjà pas de rythme et que les comédiens «jouent» leurs rôles comme il convient.
Le propos de Rosenlund est riche en évocations ; il s’en contente – malgré une ultime interpellation-prise de conscience du public par l’enfant, que l’auteur ou la mise en scène ne réussissent pas à mettre en réelle évidence – , mais c’est sans doute ainsi, et sans plus, comme une bande dessinée à la Reiser, à la Charlie Hebdo, qu’il convient d’accueillir cette proposition qui fait de la face noire de nos jours une farce noire. (par Stéphane Gilbart )
Représentations au Théâtre des Capucins les 11, 14, 15 et 16 décembre à 20h00. Réservations au 47 08 95 1 ou sur ticketlu@pt.lu