De larges extraits du «Petit Prince», l'oeuvre du célèbre écrivain et aviateur français, ont revécu lundi soir sous la voûte étoilée de l'église de Dudelange: alors que le volet scénique se nourrissait des voix de Michael Lonsdale, Pauline Choplin et Françoise Thuriès, le rôle délicat du commentaire musical incomba à l'organiste parisienne de Saint-Sulpice, Sophie-Véronique Cauchefer-Choplin.
«Je ne voudrais pas qu'on prenne mon livre à la légère», avertissait l'auteur d'une œuvre qui a vu le jour en 1943 dans des conditions très difficiles pour lui comme pour son pays qu'il rêvait de défendre. Comme le pilote perdu dans le désert, il sortait d'une guerre meurtrière qui l'avait abandonné à une détresse morale aussi compacte que la «nuit noire de nos villes». Comment dès lors approcher une œuvre certes destinée à la lecture des enfants mais sans vider ce «bréviaire de l'espoir» (Drewermann) des angoisses multiples qui en ont accompagné la genèse: l'angoisse de l'amitié et l'angoisse du monde, avec son affirmation vitale et son inertie mortifère?
La distribution opposant trois comédiens à une seule musicienne documenta la primauté qu'on se proposait de laisser à la parole, que le discours musical se permettait tout au plus d'illustrer, parfois d'alléger, rarement de commenter. Quantitativement aussi, les prises de parole de l'organiste furent réduites à la portion congrue, trop épisodiques sans doute pour former une réelle continuité ou au contraire ébaucher un contrepoint musical aux pages récitées. L'orgue se borna de ce fait à une vision passablement «bon enfant», à une musique «de chambre» soucieuse avant tout de ne pas rompre le climat de fraîcheur poétique, bref à une tonalité insouciante parfaitement en rapport avec l'indolence du propos décliné, beaucoup moins avec l'inquiétude voilée des questions soulevées.
Invitation à la méditation
Les rôles furent plus personnalisés chez les récitants, à commencer par Pauline Choplin qui incarnait un Petit Prince très vrai jusque dans l'éclat de son rire radieux. A cette légèreté étincelante s'opposa la voix apaisée de Michael Lonsdale, granuleuse et volontairement traînante comme pour inviter à la méditation. Cette apparente neutralité convenait bien à l'âge de sagesse d'un narrateur qui cherchait à confiner son apport à la seule présence vocale. Françoise Thuriès, par contre, affichait une théâtralité à notre goût excessive, une mimique superfétatoire ainsi que des déguisements vocaux proches de la caricature, nuisant à la pureté littéraire.
On sait que la vaste nef de Dudelange semble comme prédestinée au grandiose et, sans doute, la confidence peine à y passer. Le double écran (pour la musique et la narration) compense certes l'éloignement de la trame qui se déroula sur la tribune mais se révéla insuffisant cette fois pour rendre confidentielles des voix parfois amplifiées, insuffisant aussi pour «apprivoiser» des voix organiques bien timorées.
par Pierre Gerges - Photo: A.O.D.
«Je ne voudrais pas qu'on prenne mon livre à la légère», avertissait l'auteur d'une œuvre qui a vu le jour en 1943 dans des conditions très difficiles pour lui comme pour son pays qu'il rêvait de défendre. Comme le pilote perdu dans le désert, il sortait d'une guerre meurtrière qui l'avait abandonné à une détresse morale aussi compacte que la «nuit noire de nos villes». Comment dès lors approcher une œuvre certes destinée à la lecture des enfants mais sans vider ce «bréviaire de l'espoir» (Drewermann) des angoisses multiples qui en ont accompagné la genèse: l'angoisse de l'amitié et l'angoisse du monde, avec son affirmation vitale et son inertie mortifère?
La distribution opposant trois comédiens à une seule musicienne documenta la primauté qu'on se proposait de laisser à la parole, que le discours musical se permettait tout au plus d'illustrer, parfois d'alléger, rarement de commenter. Quantitativement aussi, les prises de parole de l'organiste furent réduites à la portion congrue, trop épisodiques sans doute pour former une réelle continuité ou au contraire ébaucher un contrepoint musical aux pages récitées. L'orgue se borna de ce fait à une vision passablement «bon enfant», à une musique «de chambre» soucieuse avant tout de ne pas rompre le climat de fraîcheur poétique, bref à une tonalité insouciante parfaitement en rapport avec l'indolence du propos décliné, beaucoup moins avec l'inquiétude voilée des questions soulevées.
Invitation à la méditation
Les rôles furent plus personnalisés chez les récitants, à commencer par Pauline Choplin qui incarnait un Petit Prince très vrai jusque dans l'éclat de son rire radieux. A cette légèreté étincelante s'opposa la voix apaisée de Michael Lonsdale, granuleuse et volontairement traînante comme pour inviter à la méditation. Cette apparente neutralité convenait bien à l'âge de sagesse d'un narrateur qui cherchait à confiner son apport à la seule présence vocale. Françoise Thuriès, par contre, affichait une théâtralité à notre goût excessive, une mimique superfétatoire ainsi que des déguisements vocaux proches de la caricature, nuisant à la pureté littéraire.
On sait que la vaste nef de Dudelange semble comme prédestinée au grandiose et, sans doute, la confidence peine à y passer. Le double écran (pour la musique et la narration) compense certes l'éloignement de la trame qui se déroula sur la tribune mais se révéla insuffisant cette fois pour rendre confidentielles des voix parfois amplifiées, insuffisant aussi pour «apprivoiser» des voix organiques bien timorées.
par Pierre Gerges - Photo: A.O.D.