Le Ballet royal de Flandre et l'OPL sur les traces de «La Belle au bois dormant»

Après le succès du Ballet le «Lac des cygnes», présenté sur la scène du Grand Théâtre en mai 2010, c'est une autre grand classique du répertoire chorégraphique que le Ballet royal de Flandre a proposé jeudi et vendredi, en collaboration avec l'Orchestre philharmonique du Luxembourg. «La Belle au bois dormant» aura comblé les amateurs de ballet venus en foule pour un rendez-vous auquel il ne leur est donné d'assister qu'une fois par an, sur cette scène davantage réputée pour sa programmation contemporaine.

Ceux qui étaient présents au «Lac des cygnes» n'auront pas été dépaysés. Le Ballet de Flandre a une nouvelle fois choisi de présenter une pièce commandée par Marius Petipa à Tchaïkovski et revisitée par la chorégraphe brésilienne Marcia Haydée. On retrouve, dans les rôles titres de la Princesse Aurore et du Prince Désiré, Aki Saito et Wim Vanlessen, qui interprétaient tous deux le couple Odette/Odile et le Prince Siegfried dans le «Lac des cygnes». Le personnage maléfique de la fée Carabosse est confié à Alain Honorez, qui s'était déjà fait particulièrement remarquer en Rothbart. Et comme on ne change pas une équipe qui gagne, on retrouve dans cette super-production le scénographe et costumier Pablo Nunez, ainsi que le même chef à la baguette de l'OPL, Benjamin Pope.

Tchaïkovski n'a signé que trois ballets, mais ils ont profondément marqué l'histoire de cette discipline artistique, offrant la matière à de multiples réappropriations. «La Belle au bois dormant» a été écrit treize ans après le «Lac des Cygnes», et deux ans avant «Casse-noisette». C'est le grand maître de ballet du Théâtre Mariinsky, Marius Petipa, qui avait passé la commande au compositeur, donnant des instructions très précises à celui-ci quant à la structure de cette œuvre s'inspirant du conte de Perrault et des frères Grimm. La version originale, créée le 15 janvier 1890 au Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, durait près de quatre heures. Une partition que Marcia Haydée, comme nombre des chorégraphes qui ont repris ce classique, a choisi de réduire à 2h30 de spectacle entrecoupé d'un entracte. Si le prologue et le premier acte restent fidèles à l'oeuvre initiale, les coupures interviennent surtout dans les deuxième et troisième actes.

Manichéisme exacerbé

«La Belle au bois dormant» raconte l'histoire de la princesse Aurore. Furieuse de ne pas avoir été invitée au baptême de celle-ci, la fée Carabosse lui jette un sort: lorsqu'elle aura 16 ans, elle se piquera le doigt à un rouet et mourra. Heureusement, la fée des Lilas redresse la malédiction: elle ne mourra pas, mais s'endormira pour 100 ans. Seul le baiser d'un prince pourra lui redonner la vie.

Comme dans le «Lac des Cygnes», la chorégraphe Marcia Haydée a choisi d'accentuer le personnage maléfique de la pièce, exacerbant le manichéisme de cette histoire de lutte entre le bien et le mal, qui conduit naturellement à une «happy end». C'est un homme, le remarquable Alain Honorez, qui interprète la fée Carabosse. Silhouette longiligne vêtue d'un superbe costume – une longue robe noire au drapé aérien soulignant la fulgurance des gestes, tout en laissant dans leur sillage un flou inquiétant – visage émacié outrageusement maquillé et accessoirisé d'une longue chevelure noire, il est le seul à briser l'académisme de la chorégraphie par une gestuelle au modernisme contrastant singulièrement avec le cadre général du ballet. Même les décors – d'une teinte baroco-romantique au kitsch assumé – se voilent d'un parfum d'audace lorsque la fée Carabosse surgit entourée de ses diablotins, les rideaux se faisant parure, paravent ou lien maléfique.

La petite taille de la danseuse Aki Saito ne laisse pas de surprendre. Mais pour interpréter le rôle d'une jeune fille de 16 ans, elle est somme toute adéquate. Une technique irréprochable et une réelle expressivité lui assurent une belle présence sur scène. Dommage que, sans doute du fait de la fatigue, son sourire se soit figé dans la troisième partie.

Wim Vanlessen, dans le rôle du prince Désiré, semble encore avoir gagné en précision et tonicité. Lui aussi de petite taille – ce qui permet au couple vedette d'être harmonieux – il impressionne par l'amplitude de ses sauts enchaînés sans faille.

Belle interprétation aussi de Geneviève Van Quaquebeke en Fée des Lilas à la fois gracile mais capable de suffisamment d'autorité pour repousser Carabosse.

Porté par l'interprétation toute en nuances de l'OPL, ce Ballet parvient à nous entraîner dans un monde enchanté, à des années lumières de celui dans lequel nous vivons. Et le charme opère, incontestablement...

par Marie-Laure Rolland
(photo: Johan Persson)